Les rizières en terrasse de Sapa
La route serpente. Droite, gauche, droite, gauche. J’ai envie de vomir. Mais le paysage qui s’étend derrière la vitre fait passer mon mal au second plan. On y est, dans les montagnes du nord Vietnam !
Sapa. Très connue pour ses rizières en terrasse, la petite ville de montagne est en plein boum touristique. Il y a des chantiers partout, les hôtels poussent comme des champignons. Et à notre grand regret, les travaux ne s’arrêtent jamais, même pas la nuit. C’est donc au son des marteaux-piqueurs que l’on fera de doux rêves sous notre couette chauffante. Les nuits sont fraîches ici !
Au réveil, quel spectacle ! Les montagnes et les rizières s’étendent à perte de vue ! On restera peu de temps à Sapa, car la météo ne nous offrira qu’une seule journée ensoleillée. On choisira de ne prendre aucun guide mais de partir à pieds, munis d’une carte, à la découverte de la campagne environnante, ses villages et ses rizières. À cette saison, elles ne sont pas vertes mais plutôt jaunes et asséchées. On avait peur d’être déçus mais finalement cela n’enlèvera pas grand-chose à la grandeur des paysages et leur beauté.
On traverse le village de Cát Cát, village occupé par la minorité H’mong. Les femmes, si belles dans leurs tenues traditionnelles, y fabriquent des étoles en tissu de toutes les couleurs. Le chemin principal longe les habitations traditionnelles en bois, des cochons se baladent dans la rue. On descend doucement jusqu’à un cours d’eau et une petite cascade. Il y a des roues en bois qui tournent au rythme du courant et des ponts en bambou. C’est très mignon. C’est aussi très touristique, on ne sait pas vraiment ce qui est encore authentique quand on voit des touristes vêtus de tenues traditionnelles en train de prendre des selfies.
On quitte le village pour s’enfoncer dans les rizières par un petit chemin de terre. On ira comme ça jusqu’à Y Linh Ho , un village à sept kilomètres de là. Et on fera le chemin en sens inverse pour rejoindre Sapa. Les grands espaces, les buffles, les écolières qui retounent dans leur village, le calme, la sérénité. Quelle belle rando !
Ha Giang, une boucle en scooter !
Tu te souviens de ce bus plein à craquer qu’on avait pris au Laos et des tabourets installés dans l’allée centrale ? Je pensais qu’on ne pourrait pas faire pire. J’avais tord. Ce mini-bus là, celui qui nous emmène à Ha Giang, à 230 kilomètres de Sapa, n’a pas de places limitées. C’est-à-dire que sur les quelques heures de trajet, il s’arrête sur le bord de la route et dans les villages et embarque tout ce qu’il peut. Il n’y a plus d’allée. Neuf personnes s’entassent sur des rangées de six sièges. Et je ne te parle même pas du toit : du mobilier, des dizaines de sacs d’ananas pleins à craquer, et nos sacs à dos coincés là dessous ! C’est un gros bordel, c’est le folklore asiatique, cette désorganisation organisée. Étonnamment, chaque chose finit toujours par trouver sa place, même si à première vue ça semble impossible, et le bus arrive toujours à destination. Les minutes vont se transformer en heures. Niveau confort on peut difficilement faire pire. Mais c’est local, différent, intéressant. À l’avant du bus, c’est carrément un Tétris de passager, chacun se met dans la position qu’il peut pour faire un bout de chemin. Les locaux ne bronchent pas, ça a l’air d’être normal pour eux. A l’un des arrêts dans un village, quelques passagers font leur marché par la fenêtre du bus. Ils achètent des fruits, d’une étrange couleur marron, certainement marinés dans une mixture dont je ne veux pas connaître la recette. Bastien en goûte un. Vu sa tête, je suis bien contente d’avoir refusé la proposition.
On arrive entiers à Ha Giang. On a trois kilomètres à faire pour rejoindre notre auberge. La ville est assez calme à cette heure, presque tout est déjà fermé. Ha Giang n’est qu’une étape avant une escapade de trois jours dans les montagnes en scooter ! Je ne te dis même pas à quel point on a hâte !
Pendant trois jours, des paysages montagneux plus beaux les uns que les autres vont défiler sous nos yeux. Et puis il y aura les routes au bord du vide, les virages innombrables, les nids de poule à éviter, les paysages karstiques, le silence mélodieux de la nature. On boira du café, beaucoup de café, et des soupes de nouilles pour affronter le froid. Les maisons ne sont pas chauffées, les restaurants et cafés non plus d’ailleurs. Ici, tout le monde garde son manteau à l’intérieur. Le seul moyen qu’on aura trouvé pour ne pas se transformer en glaçons vivants, c’est de remplir des bouteilles en plastique d’eau bouillante. Hyper efficace ! Il faut dire qu’on est pas vraiment équipés pour affronter les cinq degrés ambiants et le vent glacial du matin.
Sur la route, je ne dis plus rien. Je me laisse porter, j’oublie presque le froid, je contemple. Il y a ces arbres nus. Ils ne portent aucunes feuilles, seules des fleurs d’un rouge vif étonnant. Comme si, un artiste, pendant la nuit, était venu les coller sur chaque branche pour égayer le paysage. Cet arbre s’appelle le Kapokier. Sa beauté est saisissante.
Dans le village de Meo Vac, dernière étape de la boucle, on prendra un café chez une dame qui, probablement en voyant nos mines gelées, nous proposera de partager un thé avec elle. Dix minutes à ne pas pouvoir se dire grand-chose, même avec l’aide d’un traducteur. Mais on repartira réchauffés et le sourire au lèvres, heureux d’avoir partagé ce moment avec elle et reconnaissants pour ce joli geste. Au loin, de l’autre côté des montagnes s’étend la Chine, on ira se balader au plus près de la frontière, on la touchera du bout du doigt, notre niveau d’essence ne nous permettant pas d’aller plus loin.
Sur la route du retour, on traversera le village de Lung Phin jour de marché, plein de couleurs, grouillant de vie. Les gens font des kilomètres à pieds pour s’y rendre, on les croisera sur le bord de la route, chargées de victuailles qu’ils ramènent à la maison.
De Ha Giang à Meo Vac, en passant par Yen Minh et Dong Van, on aura parcouru 300 kilomètres. Cette étape restera la plus marquante de notre séjour au Vietnam. Parce que le sourire des gens, nous si petits, admiratifs devant ces grands espaces, et cette liberté ressentie, si précieuse, toujours.